« Prix planchers » : la volte-face de Jordan Bardella trouble le RN

Jordan Bardella aime reprocher à Emmanuel Macron de « dire tout et le contraire de tout ». A l’occasion de sa deuxième journée au Salon de l’agriculture, lundi 26 février, c’est le président du Rassemblement national (RN) lui-même qui a défendu l’exact inverse d’une proposition portée depuis plus d’une décennie par le parti d’extrême droite : l’instauration de « prix planchers » sur les produits agricoles. Soit la fixation d’un tarif minimum d’achat, déterminé en fonction des coûts de production, pour protéger le revenu des agriculteurs.
« Si vous mettez en place des prix planchers au niveau français, c’est une trappe à pauvreté parce que, précisément, on ira se fournir sur le marché européen. Et si vous mettez en place de manière totalement chimérique des prix planchers au niveau européen, on ira se fournir sur les marchés internationaux », a soutenu la tête de liste du RN pour les élections européennes du 9 juin, au micro de France Bleu, puis devant le reste des journalistes. Plus qu’une opposition frontale à Emmanuel Macron – promoteur depuis le 24 février de cette mesure censée rééquilibrer le rapport de force imposé aux exploitants par l’agro-industrie et la grande distribution –, Jordan Bardella impose un revirement programmatique majeur à son parti, et à sa prédécesseure, Marine Le Pen.
Lors de ses trois campagnes présidentielles, la députée du Pas-de-Calais a chaque fois repris à son compte l’instauration de prix d’achat minimums, portée avant elle par une partie de la gauche. « Des prix planchers seront instaurés pour permettre aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail », promettait-elle en 2022, après avoir annoncé que « l’Etat fixera des prix minimums garantis » (2017) ou des « prix minimaux garantis à nos agriculteurs par l’Etat » (2012).
Une position que semblait encore partager Jordan Bardella dimanche 25 février. « Quand il s’est agi de voter pour les prix planchers à l’Assemblée nationale, il n’a [eu] qu’un malheur, c’est que la majorité d’Emmanuel Macron s’y est opposée », a-t-il rappelé sur le plateau de BFM-TV, en référence à la proposition de loi inscrite dans la niche parlementaire de La France insoumise (LFI) du 30 novembre 2023, et votée à l’époque par la totalité des députés RN présents dans l’Hémicycle (47 sur 88).
Jordan Bardella s’est-il le lendemain laissé influencer par sa rencontre matinale avec le président des Jeunes Agriculteurs, Arnaud Gaillot, hostile à ce totem antilibéral ? C’est peu dire que le revirement de l’eurodéputé a surpris dans les rangs de son parti, même parmi les élus présents à ses côtés au Parc des expositions de Paris. « Dans l’esprit, oui, on est favorable à un prix plancher national, d’ailleurs on a voté pour [le 30 novembre], a campé Edwige Diaz, élue en Gironde, au moment même où le patron du RN assumait sa volte-face. Nous, on est cohérents et on est très à l’aise avec nos votes comme on vote sans sectarisme. »
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